À une époque où notre impact sur la biodiversité ne cesse de croître, où l’occupation du territoire évolue avec les changements climatiques et les pressions humaines, il est essentiel de mettre sur place des campagnes de promotion de la conservation de milieux naturels. Or, pour protéger, il faut connaître. C’est l’idée derrière la conservation participative, ou science participative, ou science citoyenne. Différentes organisations dans plusieurs pays l’ont compris; il n’y a pas que les scientifiques qui peuvent participer à la collecte de données. Tous les citoyens peuvent contribuer à l’accroissement des connaissances scientifiques et donc, indirectement, au processus de de la biodiversité et des habitats. Grâce à des réseaux de citoyens, et aux données récoltées bénévolement, la recherche et les connaissances progressent sans qu’il y ait besoin d’assumer les frais de la collecte traditionnelle, un processus coûteux et fastidieux.
Aux États-Unis, l’organisation sans but lucratif Adventure Scientists l’a compris et mis en application. Au fil des années, elle a réussi à développer un réseau volontaire d’observateurs, une véritable armée de bénévoles[1]. Aujourd’hui, elle est fournisseuse de données environnementales pour la conservation tout en servant d’intermédiaire entre les scientifiques et les citoyens. Quels résultats cette collaboration permet-elle d’obtenir? À ce jour, le réseau de partenaires a permis de découvrir de nombreuses nouvelles espèces, de fournir des données essentielles à l’établissement de nouvelles réglementations environnementales, ainsi que de contribuer à protéger les habitats fauniques menacés à l’échelle de la planète.
Voit-on de telles initiatives au Québec ? Oui ! Ce sont des organismes membres du RMN, comme la Fondation Trois-Rivières pour un développement durable[2] et la Société de conservation des Îles-de-la-Madeleine[3], qui y contribuent. Ces organismes sans but lucratif, comme plusieurs autres, ont réalisé des activités ponctuelles de Bioblitz[4] afin de mieux connaître la biodiversité de sites à préserver. L’organisme Ciel et Terre[5], épaulé par de nombreux bénévoles, organise chaque année depuis 2004, des inventaires de rainettes faux-grillon en Montérégie. Cette vigile printanière permet de recueillir des données essentielles à la conservation de ce petit amphibien. Ces données ont d’ailleurs contribué à documenter les populations et à l’émission d’un décret d’urgence du gouvernement fédéral en 2016 afin de protéger l’habitat de la rainette à La Prairie[6].
Enfin, avec les nouvelles technologies, les recensements peuvent prendre la forme d’applications disponibles sur des appareils intelligents. Afin de mieux comprendre les déplacements des animaux, l’application Stop-Carcasse d’I-Naturalist[7] a été mise en œuvre en Estrie[8] et dans les Laurentides[9] . Une application dédiée aux tortues a également été développée dans le but de mieux documenter cette espèce. Cette participation citoyenne permet aux organismes propriétaires œuvrant en conservation de mieux connaître les composantes naturelles et l’évolution de la biodiversité en terres protégées ainsi que les barrières aux déplacements des organismes telles que les routes. De plus, le RMN encourage la conservation (ou la science) participative en mettant à l’usage des membres des protocoles simples et peu coûteux d’inventaire[10] pour récolter des données essentielles pour mieux connaître l’évolution des milieux naturels. Ainsi, les propriétaires sont en mesure de protéger plus adéquatement les habitats et les espèces qui s’y trouvent.
Les citoyens tirent eux-mêmes profit de ce mouvement. Mieux connaître les éléments qui composent son environnement, c’est mieux comprendre les interactions entre ces éléments et le rôle qu’ils jouent sur Terre. Cette connaissance est un outil fondamental qui permet la préservation de ces espaces essentiels au bien-être de tous. Participez à une telle activité près de chez vous; c’est franchement instructif et amical !
Et vous, comment contribuez-vous à la conservation (ou science) participative ?
Sources :
[1] Michael Barrus, La conservation participative, magazine BESIDE – La nature récompense les braves, pages 20 et 21.
[2] Site internet de la Fondation : www.f3rdd.org
[3] Site internet de la Société : https://conservationdesiles.wixsite.com/natureauxiles
[4] Un Bioblitz est une étude sur une portion bien précise de terrain, où un groupe de scientifiques et/ou de bénévoles mènent un inventaire biologique intensif pendant un temps court (24 heures ou 48 heures). L’objectif est d’identifier et de répertorier toutes les espèces d’organismes vivants présents dans une zone donnée. Le premier Bioblitz a été organisé aux Kenilworth Park and Aquatic Gardens à Washington (District de Columbia) le 1er juin 1996. Le terme a été inventé par la naturaliste Susan Rudy. Source : Wikipédia.
[5] Ciel et Terre organise des formations pour les bénévoles qui participent aux inventaires de rainettes. Pour plus d’informations : https://ciel-et-terre.ca/nos-actions/nos-projets/projet-rainette/
[6] Décret d’urgence visant la protection de la rainette faux-grillon de l’ouest (population des Grands Lacs / Saint-Laurent et du Bouclier canadien) : https://www.registrelep-sararegistry.gc.ca/virtual_sara/files/orders/g2-150131.pdf
[7] https://www.inaturalist.org/
[8] Le réseau routier vient fragmenter les habitats naturels, et les espèces animales doivent alors traverser nos routes pour se déplacer vers leurs sites de reproduction, d’alimentation, d’hivernage, etc. nous demandons donc l’aide du public dans la collecte de données sur les animaux morts ou frappés sur les routes. Ce projet vise à engager les communautés locales dans l’identification des tronçons routiers utilisés par la faune. Le maintien de la connectivité des habitats naturels est crucial pour les populations animales des Appalaches du Sud du Québec, des Cantons-de-l’Est et des Montagnes vertes.
[9] Stop carcasses Laurentides est une initiative d’Éco-corridors laurentiens qui invite les cyclistes, les automobilistes et les marcheurs à photographier des carcasses, des animaux ou encore des traces sur les routes et les accotements sur tout le territoire des Laurentides.
Les photos sont ensuite colligées dans un répertoire qui permettra de mieux connaître les déplacements des animaux et les sites problématiques afin que les autorités municipales et provinciales puissent planifier l’aménagement du territoire.
[10] https://www.rmnat.org/wp-content/uploads/2013/02/guidetechnique_2012-2016-2016-04-06.pdf