Quelques idées pour participer à la consultation publique du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation
ENCORE UNE CONSULTATION PUBLIQUE !
En quoi consiste celle-ci ?
Le 8 mai dernier, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) lançait sa consultation publique sur les nouvelles orientations gouvernementales en aménagement du territoire (OGAT). Avec la révision de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (projet de loi n° 16, sanctionné le 1er juin 2023) et celle de la Loi sur l’expropriation (projet de loi n° 22), il s’agit des premières étapes du Plan de mise en œuvre de la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire (PNAAT). Nature Québec et le Réseau de milieux naturels protégés (RMN) avaient participé à la grande discussion qui avait précédé ces démarches, notamment en présentant un mémoire au MAMH et en proposant 10 recommandations pour vous inspirer à participer aussi à cette discussion.
En collaboration cette fois avec le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE), nos organisations récidivent en participant à la consultation du MAMH sur les nouvelles OGAT et en vous proposant quelques pistes pour alimenter votre réflexion !
Une OGAT, ça mange quoi en hiver ?
Les OGAT découlent de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU). Elles constituent les objectifs que le gouvernement du Québec souhaite atteindre en matière d’aménagement du territoire. Elles identifient les problématiques auxquelles sont confrontées les municipalités, les MRC et les communautés métropolitaines, puis permettent au gouvernement du Québec d’échanger sur ces problématiques avec les MRC et les communautés métropolitaines.
À travers un mécanisme nommé « Principe de conformité », une cohérence est ensuite assurée entre les OGAT du gouvernement du Québec et les outils de planification territoriale applicables à chaque palier, à savoir le plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) pour les communautés métropolitaines, le schéma d’aménagement et de développement (SAD) des MRC, ainsi que le plan et les règlements d’urbanisme des municipalités (1).
Pourquoi participer ?
Les OGAT précédentes datent de près de 30 ans (1994), il y a donc lieu de croire que les décisions prises maintenant pour les nouvelles OGAT nous suivrons pour plusieurs années. C’est une occasion à ne pas manquer !
Ensuite, votre participation est importante pour témoigner au gouvernement du Québec de l’importance que la population accorde à la nature qui l’entoure, en ville comme à la campagne !
Nous devons porter haut et fort la voix de la biodiversité, afin de s’assurer que sa protection soit prise en compte à toutes les échelles de la planification territoriale. Après tout, il s’agit de la première cible du Cadre mondial de la biodiversité (2), qui a été adopté par plus de 195 États en décembre dernier, au terme de la COP15 à Montréal !
Le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal
Plus spécifiquement, la cible 1 du Cadre mondial est de s’assurer que la totalité du territoire fasse l’objet d’un aménagement participatif, intégré et inclusif, en faveur de la protection de la biodiversité.
Comment participer ?
La façon privilégiée de participer à cette consultation est de répondre au formulaire de participation sur le site internet du MAMH, avant le 31 août prochain. Bien qu’il serait trop long de répondre ici à chaque question de ce formulaire, nous vous proposons quelques pistes pour vous inspirer au moment de le remplir. Celles-ci sont issues des cinq principales recommandations du mémoire commun produit par nos organisations.
Nous tenons par ailleurs à préciser que vous n’avez pas besoin d’être un-e expert-e pour participer à cette consultation ! Elle s’adresse à quiconque s’intéresse à l’aménagement du territoire et à la protection des milieux naturels !Et si le coeur vous en dit, nous vous invitons à appuyer le mémoire commun de nos organisations à travers le formulaire de participation !
QUELQUES PISTES POUR ALIMENTER VOTRE RÉFLEXION
La préséance à la nature
L’urgence d’agir afin de lutter contre les crises climatiques et de la biodiversité ne peut plus être reléguée au second rang, pour la nature en elle-même, mais aussi pour la santé et la sécurité des collectivités. Les organismes publics doivent en faire plus et placer l’environnement au cœur de leurs préoccupations. En fait, la réponse du Québec face aux défis existentiels que posent ces crises doit dicter la capacité de la province à se développer, à moyen et long terme, tant au plan social qu’économique.
En ce sens, les OGAT devraient intégrer un énoncé selon lequel tout exercice de pouvoirs légaux dans un objectif de conservation des milieux naturels et de lutte contre les changements climatiques doit avoir préséance sur tout autre pouvoir en matière d’aménagement du territoire. De plus, les freins à l’exercice de ces pouvoirs doivent être corrigés afin que les organismes publics, municipaux ou autres, se voient reconnaître une réelle capacité d’agir pour protéger la nature.
À l’heure actuelle, le plan d’affectation du territoire public du ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) a priorité sur toutes les autres affectations du territoire. C’est donc dire que l’exploitation des ressources est prépondérante aux efforts de conservation par les municipalités. S’ajoute à cette dynamique la question des claims miniers, qui sont juridiquement considérés comme prioritaires à toute autre utilisation du territoire, une situation qui perdure malgré une dénonciation claire, notamment par les groupes environnementaux, les municipalités et la population.
De la cohérence
En ce moment, de nombreuses initiatives influencent, directement ou non, la protection de la biodiversité et la lutte aux changements climatiques. En plus de la démarche actuelle entourant les OGAT, on peut penser au Plan de mise en oeuvre de la PNAAT, au Plan pour une économie verte du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), ou encore au Plan nature de ce même ministère.
Considérant la grande diversité des acteurs-trices impliqué-e-s dans ces initiatives, la multitude de lois et règlements et la complexité des écosystèmes naturels, une cohérence est nécessaire dans les efforts de l’État. Cette cohérence pourrait être assurée par la création d’un organe indépendant, soit une Commission de protection du territoire naturel du Québec (CPTNQ). La mission de cette commission pourrait aussi inclure de freiner la perte des milieux naturels, de soutenir les décideurs-euses dans l’identification des territoires à protéger, de veiller au respect des lois et règlements, de surveiller l’atteinte de nos divers engagements et de trancher en cas de litiges.
La CPTNQ pourrait s’inspirer du modèle de fonctionnement de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ). En effet, bien qu’imparfait, le rôle de la CPTAQ afin de protéger les milieux agricoles des pressions urbanistiques depuis la fin des années 70 ne peut être ignoré.
Des cibles chiffrées et basées sur la science
Pour s’assurer de la réelle efficacité de l’orientation 2, qui vise la conservation des écosystèmes et la gestion durable et intégrée des ressources en eau, il importe que soient fixées des cibles minimales à atteindre par les MRC à l’horizon 2030. Ces cibles doivent s’arrimer à celles du Cadre mondial de la biodiversité et se baser sur les connaissances scientifiques actuelles. Parmi ces cibles, il y a la protection d’au moins 30 % des écosystèmes terrestres et aquatiques d’ici 2030, ainsi que la restauration d’au moins 30 % des écosystèmes dégradés.
Comme le réseau d’aires protégées se doit d’être représentatifs et bien connectés, il faut aussi mieux encadrer le maintien et la restauration de la connectivité écologique. À cet effet, les MRC doivent non seulement être invitées à planifier les corridors écologiques sur leur territoire en prenant en considération ceux des MRC avoisinantes, elles devraient en avoir l’obligation.
L’importance de la nature en ville…
Le sud du Québec étant fortement urbanisé, si l’on souhaite protéger la biodiversité et offrir à la population un accès à la nature de manière équitable sur le territoire, il est essentiel de protéger et restaurer les milieux naturels et les espaces verts situés dans les limites des périmètres d’urbanisation. En plus des nombreux services écologiques que ces derniers rendent à la population (purification de l’air, captation et stockage du carbone, atténuation des inondations, réduction des îlots de chaleur, etc.), ils constituent souvent des lieux d’appropriation et ont un impact prouvé sur la santé physique et mentale des citoyen-ne-s, qui peuvent s’y rendre par des moyens de transport abordables et durables, comme la marche et le vélo.
Soyons clair-e-s : l’étalement urbain est un véritable fléau. Le développement immobilier doit se faire à l’intérieur des périmètres d’urbanisation, mais cette densification doit s’opérer à travers la requalification de milieux déjà minéralisés, urbanisés et dépendants de l’automobile, comme les immenses aires de stationnement. Empiéter sur des milieux naturels ne doit plus être une option.
Dans cette optique, l’accès à la nature de proximité pourrait faire l’objet d’une exigence spécifique, à laquelle serait associée encore une fois une cible chiffrée. Cette cible devrait se baser sur les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à savoir que les municipalités planifient l’aménagement de leur territoire en s’assurant que chaque résidence soit à une distance de marche réelle et maximale de 300 mètres d’un milieu naturel ou d’un espace vert, d’une superficie minimale de 0,5 hectares.
Connaissez-vous l’approche du 3-30-300 ?
Introduite en 2021 par Dr Cecil Konijnendijk, cette approche implique non seulement que chaque résident-e devrait vivre à moins de 300 m d’un milieu naturel ou d’un espace vert (environ 5-10 minutes à pied), mais aussi voir au minimum trois arbres et se déplacer dans un quartier où il y a au moins 30 % de couvert d’arbres. Pour en apprendre plus sur cette approche, vous pouvez consulter le blogue de Nature Québec !
… comme à la campagne !
Les sols de bonne qualité pour l’agriculture occupant moins de 2 % de la superficie totale du Québec (2), il est essentiel de protéger la zone agricole et limiter à des situations exceptionnelles les nouveaux espaces voués à la croissance urbaine. La perte de terres en culture n’est pas plus acceptable que celle de milieux naturels.
Cela dit, compte tenu des bénéfices que procurent la nature à l’agriculture (p.ex. pollinisation, contrôle de l’érosion, des inondations et des ravageurs), concilier la protection et la restauration des milieux naturels et le développement des activités agricoles n’est pas contradictoire. Notamment, le fait de concentrer les efforts de protection des terres agricoles sur les sols de meilleure qualité agronomique peut se révéler une occasion de laisser la nature se rétablir sur les sols non ou peu productifs, et de restaurer ainsi les services écologiques perdus. Sur certains territoires, une transition vers des pratiques mieux adaptées au contexte des changements climatiques serait souhaitable. On pense, entre autres, aux plaines inondables où il serait bénéfique de favoriser la pratique de cultures pérennes (pâturage et fourrage) plus adaptées à l’ennoiement de plus en plus fréquent et prolongé de zones en culture annuelle sur sol nu. Celui-ci occasionne une saison de croissance retardée et écourtée, en plus de pertes de production, de sols, de nutriments et de pesticides.
Ainsi, les mesures visant à protéger les sols, les cours d’eau et la biodiversité spécifique aux milieux champêtres doivent être reconnues comme bénéfique à l’agriculture et davantage encouragées.
POUR CONCLURE
Notre façon d’occuper le territoire a des conséquences indéniables sur les crises climatiques et de la biodiversité; ça nous concerne tou-te-s. Pour lutter contre ces crises, plusieurs solutions résident dans une meilleure intégration de la nature dans l’aménagement du territoire. Dans ce contexte, les nouvelles OGAT représentent une occasion unique de corriger les erreurs du passé et de réaligner nos façons de faire en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire.
Nous espérons vous avoir convaincu-e-s de la pertinence de participer à cette consultation publique. N’oubliez pas que vous possédez de précieuses connaissances en tant que citoyen-ne-s. Votre vécu est essentiel pour que le MAMH puisse bien comprendre l’ensemble des besoins et des réalités de la population. Les consultations existent pour entendre la population, vous y avez votre place, faites-vous confiance !
Vous avez besoin de plus d’inspirations ?
Vous pouvez visionner l’enregistrement du Midi-Conservation présenté par le RMN et Nature Québec le 26 juillet dernier. Celui-ci traite de l’importance de la participation citoyenne dans le cadre de la consultation publique sur les OGAT, et aborde de façon plus détaillée chacune des questions du formulaire de participation. Au besoin, rappelez-vous que vous pouvez aussi tout simplement appuyer notre mémoire à travers vos réponses !
RÉFÉRENCES
(1) – Gouvernement du Québec, ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH). Orientations gouvernementales en aménagement du territoire. Page consultée le 1er août 2023 : https://consultation.quebec.ca/processes/orientations-amenagement-territoire
(2) – Radio-Canada, 21 juin 2023 : Québec veut changer la loi sur la protection du territoire agricole
(3) – Organisation des Nations Unies (ONU), Programme pour l’environnement, Conférence des Parties (CdP) à la Convention sur la diversité biologique (CBD). Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal. Page consultée le 1er août 2023 : https://www.cbd.int/doc/decisions/cop-15/cop-15-dec-04-fr.pdf
CRÉDITS PHOTOS
Unsplash.com
CRÉDITS RÉDACTION
Marie-Audrey Nadeau Fortin – Chargée de projet en conservation et mobilisation, Nature Québec
CRÉDITS RÉVISION ET MISE EN PAGE
Maxime Comtois – Chargé des communications, RMN
Hubert Fortin – Chargé de projet en verdissement et design urbain, Nature Québec
Louise Gratton – Présidente du conseil d’administration, Nature Québec